REVOLUTIONS ARABES (article) - Israël sonne la mobilisation face aux «tempêtes arabes»

Publié le par Eliahou

Article de : Isabelle Lasserre

Publication originale : lefigaro.fr

Titre original : "Israël sonne la mobilisation face aux «tempêtes arabes»"

Langue de l'article d'origine : français

Date de publication de l'article d'origine : 29 novembre 2011

Relais :  nonondits

Traducteur : -

Version : complète et non éditée (sauf ajout de photos)

Adaptation : -

Date de publication de l'article modifié : -

Edition finalisée : Eliahou Louzoun pour Planète J

Sources : nonondits / lefigaro.fr

 

67fccded7b46e4668ac0baa0af1678fa.jpg

Merkava_mk_iv084.jpg

 

Confrontée à un environnement en pleine ébullition, de l’Égypte à l’Iran en passant par la Syrie, l’armée israélienne est contrainte de revoir ses options stratégiques. Pour Tsahal, la perspective de devoir se battre sur plusieurs fronts à la fois n’est plus théorique.

 

À l’entrée de l’immense quartier général de Tsahal, l’armée israélienne, à Tel-Aviv, un panneau géant reproduit une page fictive de Facebook. Trois «amis», ornés de leurs portraits photos, attendent d’être «acceptés»: le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, le numéro un syrien Bachar el-Assad et le secrétaire général du Hezbollah chiite libanais, allié de Téhéran, Hassan Nasrallah. Les militaires israéliens ne manquent pas d’humour… Pourtant, au douzième étage du bâtiment, derrière une solide porte blindée grise, un haut responsable militaire avoue son inquiétude: «L’escalade est probable. Israël affronte de nouvelles menaces. Nous devons nous adapter afin d’être capables de combattre sur plusieurs fronts.»

 

Acclamé dans une grande partie du monde, le printemps arabe est plutôt mal vécu en Israël, où il annonce au contraire un hiver long et rude. «Au Moyen-Orient, il n’y a pas de printemps. Et lorsqu’il y en a un, il est toujours très court», ironise le haut responsable de Tsahal, qui préfère garder l’anonymat.

 

En quelques mois, les révolutions qui ont secoué la plupart des voisins d’Israël ont profondément modifié l’environnement stratégique de la seule démocratie de la région, remis en cause des alliances acquises après des années de lutte et menacé de faire exploser la «paix froide» qu’entretient l’État hébreu avec ses voisins arabes. En un clin d’œil, toutes les règles du jeu et modus vivendi arrachés avec peine aux voisins arabes ont volé en éclats. L’environnement est brusquement devenu hostile. «Si, à la fin, de réelles démocraties s’installent dans la région, tout le monde en bénéficiera, même Israël. Mais je doute que le monde arabe soit prêt pour la vraie démocratie, celle qui va au-delà des élections. Si les radicaux et les islamistes, qui sont les mieux organisés et les plus motivés, s’emparent du pouvoir, nous courons un grand danger», prévient le spécialiste en stratégie Ephraim Kam, à l’Institut pour les Études de sécurité nationales (INSS) de Tel-Aviv.

 

Dans la capitale israélienne, les yeux sont d’abord rivés sur l’Égypte et sur le traité qui préserve depuis 1979 la paix entre les deux voisins, dont un responsable égyptien a récemment dit qu’il n’était «pas sacré». Certes, «les accords qui existent depuis longtemps ont leur propre vie. Ils ne dépendent pas seulement des révolutions», veut croire Shlomo Brom, stratège à l’INSS. L’Égypte a aussi besoin du soutien américain. «Mais si les Frères musulmans arrivent au pouvoir, ils pourraient vouloir vider le traité de son contenu et mettre fin au dialogue avec les Israéliens au profit du Hamas», ajoute Ephraim Kam.

 

Autre sujet d’inquiétude, les événements qui secouent depuis neuf mois la Syrie, avec la perspective d’une chute du régime de Damas. Toujours prévisible, Bachar el-Assad était un fin connaisseur des rapports de forces dans la région. Depuis plusieurs années, la frontière du Golan, pas très éloignée de Deraa, l’une des places fortes de la révolution syrienne, était devenue l’une des plus calmes de la zone.

 

À l’est, le souverain hachémite, qui tient la Jordanie, n’a pas encore été balayé par les révolutionnaires. Mais, à Jérusalem et à Tel-Aviv, les stratèges ne donnent pas cher de sa peau. Si la majorité palestinienne de Jordanie s’emparait du pouvoir à Amman, que deviendrait alors l’accord de paix qui depuis 1994 avait permis aux deux pays de normaliser leurs relations? La semaine dernière, la visite du roi Abdallah II à Ramallah, le siège de l’Autorité palestinienne, n’est pas passée inaperçue. «Si la Jordanie bascule, c’est tout un équilibre qu’il faudra recons-truire», commente un diplomate occidental.

 

View_From_Sinai.JPG

 

Le Sinaï en voie de «somalisation»

 

Enfin, Israël a perdu cet automne son allié turc, avec lequel elle avait établi un partenariat militaire depuis 1996. Depuis l’avènement du gouvernement AKP de Recep Tayyip Erdogan, les relations s’étaient peu à peu étiolées. Mais, le mois dernier, le gouvernement turc a brusquement mis fin aux manœuvres militaires communes entre les deux pays. Erdogan, qui veut se rapprocher des pays arabes, a aussi menacé de faire escorter par les forces navales turques les prochaines flottilles qui tenteront de briser le blocus de Gaza. Immense désillusion pour les Israéliens. «La Turquie a décidé de changer de route et de mettre fin à la “relation spéciale” qui l’unissait à Israël. Elle est devenue notre rivale. Pour nous, c’est une grosse perte», regrette Ephraim Inbar, le directeur de l’université Bar-Ilan à Jérusalem.

 

Autant que l’avènement de pouvoirs islamistes, Israël redoute que des gouvernements faibles, incapables de contrôler entièrement leurs territoires, s’installent chez ses voisins. Le Sinaï, en voie de «somalisation», est considéré comme le principal risque. «Le Caire ne contrôle plus le Sinaï. Et lorsqu’il y a un vide de pouvoir, les organisations terroristes le comblent. Or nous avons beaucoup d’ennemis dans la région, y compris des affidés d’al-Qaida», explique Shlomo Brom. En août, une attaque contre un bus israélien à la frontière avec l’Égypte a fait plusieurs morts. Pour la neuvième fois depuis la chute de Moubarak, le gazoduc qui alimente Israël en gaz égyptien a encore été frappé cette semaine par des attentats.

 

Ce qui vaut pour l’Égypte vaut aussi pour la Syrie. Elle pourrait devenir un nouveau repaire pour les terroristes islamistes. «Nos voisins risquent de balancer longtemps entre la dictature et la démocratie. Comme un funambule sur son fil. Sachant que les mouvements islamistes et libéraux dans la région n’acceptent pas l’existence d’Israël, la stagnation des révolutions arabes pourrait se traduire par une nouvelle animosité envers nous», prédit l’officier de Tsahal.

 

nuclear-mushroom-cloud-1024x818.jpg

 

L’Iran, menace existentielle

 

Les responsables israéliens craignent que cette situation ne fasse le jeu de l’Iran, dont le programme nucléaire constitue déjà une menace existentielle pour le pays – sa priorité en matière de sécurité. «L’Iran utilisera la faiblesse du monde arabe, mais aussi l’effacement des États-Unis et de l’Europe pour étendre son influence dans toute la région», redoute Ephraim Kam.

 

Concentrée jusqu’à présent sur son front nord, la frontière libanaise, et sur Gaza, Tsahal se prépare désormais à combattre cet environnement incertain sur plusieurs lignes. L’Égypte, la Syrie, l’Iran. Mais aussi – surtout en cas de frappes israéliennes contre les installations nucléaires iraniennes – contre les pions de Téhéran, le Hezbollah libanais et le Hamas de Gaza. «Nous devons nous attendre à de nouvelles surprises. Nous craignons notamment qu’une pluie de roquettes et de missiles s’abatte sur notre pays. Les Arabes ne peuvent pas détruire Israël, même s’ils en rêvent. Mais ils peuvent essayer de nous infliger de lourds dégâts humains et matériels», redoute le haut responsable de Tsahal. De source militaire occidentale, le Hezbollah libanais possède aujourd’hui de 40.000 à 50.000 roquettes et missiles, dont certains capables d’une longue trajectoire. «En quelques années, le Hezbollah et le Hamas ont réussi à décupler la portée et le nombre de leurs armes. Nous estimons qu’ils menacent directement un million de civils israéliens», affirme un officier de l’armée israélienne.

 

Pour se prémunir contre ce nouveau danger, Tsahal a décidé de renforcer sa défense antiaérienne, en déployant notamment un nouvel étage du système Iron Dome, «bouclier» conçu pour protéger les territoires et les populations. De nouveaux vecteurs ont également été déployés dans la région du Sinaï. «Les Israéliens ont besoin de davantage de défense qu’avant mais, depuis la révolte des indignés de Tel-Aviv, ils font aussi face à des restrictions budgétaires. Il leur faudra faire des choix. Faut-il privilégier la capacité de bombarder l’Iran ou la protection des populations?», résume un diplomate occidental. Seule certitude: «Israël se prépare à des temps difficiles. Le pays va traverser une période d’isolation et d’instabilité. Nous avons beaucoup de raisons de craindre le pire», prévient Shlomo Brom. Si l’Iran devient nucléaire, l’État hébreu pourrait même affronter l’une des périodes les plus difficiles de son histoire, après la guerre d’indépendance en 1948, la guerre des Six-Jours en 1967 et la guerre de Kippour en 1973. Autant d’épreuves dont il s’est toujours relevé.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article